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L'Aurore pointait à l'horizon. Tornade Tueuse ouvrit ses yeux sombres et froids. Elle avait passée une nuit blanche et elle était, malheureusement pour son entourage, d'une humeur massacrante. Des cauchemars depuis trop longtemps terrés au fond de son esprit avaient refait surface. Elle frissonna rien qu'en y repensant...
Dans sa plus tendre enfance, elle avait un frère, Griffe du Tueur, que sa mère avait abandonné dans la forêt, pour des raisons qu'elle ignorait. Livré à lui-même, il développa une haine immense envers les membres de sa famille, dont il connaissait l’existence. Il les dédetestable tellement que, il y a peu de temps, il retrouva ses parents, qu'il avait traqué sans répit, comme de vulgaires proies, et sans éprouver de compassion, car son coeur était à présent gelé, ils les tua tous les deux, en leur faisant subir d’atroces souffrances. Depuis, il traînait dans la forêt, tuant des chats par plaisir. Et sa prochaine victime, elle en était maintenant certaine, c'était elle.
C'est sa mort qu'elle avait vue. Et elle devait à tout prix le mettre hors d'état de nuire, pour le bien de la forêt, des clans, et d'elle-même. Elle en ferait une affaire personnelle, elle se le jura, celui-ci mourrait sous ses griffes et pas l'inverse. Après tout, personne ne risquait de la critiquer sur son choix, dans son clan, celui qui l'avait créer était lui aussi un sanguinaire, un meurtrier, elle n'était donc pas la seule à agir ainsi. La jolie guerrière se leva péniblement, s'étira, et sortit de sa tanière en baillant.
Le grand canyon, voilà sa prochaine destination. Elle avait besoin de se changer les idées et cet endroit éveillait en elle un sentiment de liberté. C'était de loin son endroit préféré. La forêt était sombre et calme. C'était comme si un évènement terrible se préparait et que tous ses habitants i s'étaient tus et attendait son commencement. Mal à l'aise, la jeune lynx pressa le pas.
Arrivée au canyon, elle s'arrêta net. Un cri de terreur qu'elle ne put contrôler sortit de sa gorge. Elle venait d'apercevoir son frère qui la regardait, un sourire machiavélique dessiné sur ses babines. Il lui dit, sur un ton ironique :

- Beau temps, n'est-ce pas? Parfait pour un combat...

- Epargne ta salive! répliqua-t-elle en feulant.
Je te dis au revoir maintenant. Après, ce sera trop tard quand je t'aurais tué et que j'aurais vengé maman et papa.

- Tu le prend comme ça, soeurette? Très bien, si tu tiens à ce combat...tu vas l'avoir! finit-il en bondissant dans sa direction, et en essayant de lui mordre le cou.
Elle l'esquiva juste à temps. Elle poussa un petit soupir de soulagement puis profitant de la faible distance qui les séparaient, elle lui sauta sur le dos. Mais deux fois plus grand et plus puissant qu'elle, son frère l'envoya valser d'un coup d'épaule.
Elle atterrit quelques mètres plus loin, mais son épaule droite cogna violemment contre le sol. Une douleur aiguë la saisit.
Prise de panique, voyant que son frère approchait, elle essaya de se relever d'un bond. Mais la douleur la rattrapa et elle s'effondra par terre, sur le dos. Son frère lui jeta un regard narquois et lui dit, en se penchant au dessus d'elle :

- Ainsi s'achève ta petite vie insipide et terne. Je n'ai aucun regret.
Tu ne m'as été d'aucune utilité, mais si tu était venue de mon côté, peut-être que les choses se seraient passées autrement. Adieu!

Alors qu'il se penchait sur elle pour la mordre mortellement au cou, elle cria, et, avec l'énergie du désespoir, s'aidant de ses pattes arrières, propulsa son frère dix mètres plus loin. Se levant cette fois-ci plus doucement, clopinant, elle se dirigea vers son frère qui ne bougeait plus, sonné. Se penchant au-dessus de lui, elle lui murmura, versant une larme, avant de lui mordre la nuque :

- Je suis désolée Griffe...
Mais je ne peux pas te laisser anéantir la forêt sans réagir...

Les minutes défilèrent. Tornade Tueuse pleurait à chaudes larmes, penchée au dessus du corps sans vie de celui qu'elle avait, malgré tout, aimé, en dépit de ses erreurs. Elle lui lécha son pelage, puis après ce dernier geste tendre, elle prit le cadavre dans sa gueule. Elle ira l'enterrer, plus tard, à l'endroit où elle l'avait revu pour la dernière fois, avant ce triste combat, dans la plaine de Fleurs.

Quel affreux mal de crâne...
La guerrière rousse essaya de rassembler ses souvenirs qui étaient éparpillés dans sa mémoire. Ah oui ! Elle se rappelait qu'elle avait sauvé la chef du clan des Rochers d'une mort certaine. Elle ouvrit les yeux, clignant des paupières, encore un peu étourdie. Elle se leva, chancelante.
Elle parvint à voir que Etoile de Bruyère lui parlait.
Elle la regarda, ne parvenant à ne saisir que le son lointain de sa voix. Elle remarqua que son amie affichait un air inquiet et compris que la lynx s’inquiétait de son état de santé. Elle lui souffla :

- Ne t'inquiète...
Je vais bien...J'ai juste mal au crâne...

Etoile d'Automne gémit, comme pour souligner ses paroles. En l'entendant lui répondre, la belle lynx au pelage doré parut tout de suite plus soulagée. Enfin, les sons qui semblaient résonner au loin se firent plus distinct. La culpabilité s'ajouta à son mal de crâne et la chef des Forêts, honteuse, reprit :

- Ce serait plutôt à moi de te demander comment tu vas, vu que c'est toi qui était en danger de mort...

Ce matin, alors que l'astre solaire était déjà haut dans le ciel, Lune d'Automne s'extirpa de ses songes. La jeune lynx avait rêvé de ses parents, ceux qui l'avait abandonnée, toute petite. Un poids lui écrasait le coeur. Elle se rendit compte que la solitude lui pesait.
Jusqu'à maintenant, elle avait toujours pensé que le clan comblait ses espérances mais ce rêve avait insinué le doute dans son esprit.
Elle se leva rapidement, ou du moins, essaya de le faire. En fait, elle avait prévu de faire une escapade sur le territoire du Clan des Ruisseaux, en allant à la Cascade. Elle savait bien que normalement, elle n'avait pas le droit de vagabonder sur les territoires des autres clans mais après tout, même les chefs le faisaient alors qu'ils devraient montrer l'exemple. Elle sortit de sa Tanière en baillant.
Tout le clan était déjà levé et chacun vaquait aux occupations quotidiennes. Le visage de la belle femelle s'éclaira.
Elle n'aura donc aucun mal à se défiler et personne ne remarquera son absence avec un peu de chance. L'air de rien, elle marcha tranquillement vers l'entrée du camp. Mais un guerrier se dirigea vers elle et la lieutenante sentit son coeur s'emballer à cause du stress qui la mettait à rude épreuve. Mais le guerrier la frôla juste et partit dans la direction opposée. Poussant un soupir de soulagement, elle continua son chemin et sortit du camp sans encombres. Elle trottina ensuite à vive allure en direction de la Cascade, flairant au passage quelques alléchantes odeurs de gibier. Mais elle ne s'arrêta pas. Le repas qu'elle avait mangé hier en compagnie de Etoile de Bruyère l'avait rassasiée et elle n'était pas sortie pour chasser. Elle avait un but bien précis en tête...
Arrivant enfin, elle regarda autour d'elle, et, ne voyant personne l'épier, elle passa derrière le rideau que formait la Cascade qui plongeait violemment dans la rivière en contrebas.
Elle poursuivit son mystérieux trajet, glissant quelques fois mais se rattrapant de justesse, et arriva enfin dans une petite cavité. Elle en avait fait sa cachette, et, quand elle se sentait triste, elle venait souvent ici et confiait à la cascade ses soucis, comme si ses ancêtres s'étaient réincarnés en elle. Elle ferma les yeux, doucement, se laissant bercer par le doux son de l'eau de la cascade.

Pelage de Renard marchait sans but dans la forêt. Il faisait froid et le ciel était grisâtre. On entendait aucun bruit...
La forêt était silencieuse. Le silence était presque pesant. Mais la guerrière rousse n'y prêta pas attention. Elle songeait à toute sa famille, qui lui était arraché peu à peu. D'abord à sa mère, qui était morte, peu après sa naissance, la laissant seule au monde avec son frère et son père. Cette mère qu'elle avait si peu connu mais qu'elle voyait en rêve et qui communiquait avec elle grâce à la volonté du clan des Étoiles. Puis, ce père qu'il l'avait à son tour abandonné pour rejoindre la Tribu et occuper la place de Soigneur. En ensuite son frère, Poil de Renard, qui perdait le contrôle de son corps petit à petit, et elle savait que bientôt malheureusement, Patte de Nuit prendrait le dessus...
Mais pourquoi le sort s'acharnait-il sur elle? Quelle injustice!
(Ses pas l'emmenèrent dans une petite clairière. )
Un flocon de neige lui tomba alors sur le museau, interrompant ses tristes pensées. Puis un deuxième et un troisième.
*De la neige en pleine saison des Feuilles Mortes? C'est tellement rare!*
Elle dit à voix haute mais pour elle-même :
- C'est...magnifique! Presque féérique!
Et comme un chaton, la jolie guerrière, avec sa fourrure rousse pleine de flocons, se mit à gambader dans la neige qui couvrait déjà le sol entièrement, et essaya d'avaler des flocons, riant, oubliant ses pensées et toute retenue, et ne pensant qu'à ce moment magique...
Mais elle s'arrêta soudain, honteuse, se sentant épiée mais ne sachant pas où regarder pour trouver le fautif. La neige atténuant les sons, elle n'arrivait pas à entendre ni à sentir les bruits et les odeurs alentours...